L'ubérisation du psychanalyste et les dangers pour la psychanalyse et l'École : de l'amour du savoir à la passion de l'ignorance

Résumé

Les dangers pour la psychanalyse, son discours et l'École sont discutés : a) les menaces constantes de régulation de la profession de psychanalyste ; b) la multiplication des offres précaires prétendument liées à la formation de psychanalyste ; c) l'embauche de psychanalystes en tant que ouvriers prestataires de services par des cliniques privées, en régime de travail informel et rémunérés en fonction du nombre de consultations effectuées. Il est proposé que ces menaces dérivent du discours capitaliste, qui fonctionne comme un trou noir exerçant une immense force gravitationnelle sur toute formation discursive distincte à sa portée : aspirant et soumettant tout à la domination hégémonique de sa structure de gouvernement de la jouissance. Le capitalisme se caractérise par une aversion pour l'amour et la connaissance, car il produit un sujet qui : a) ne s'interroge pas sur le fantasme que la marchandise est capable d'assouvir son désir et sa jouissance ; b) ne remet pas en cause l'origine de la « programmation » qui articule les biens à l'objet cause du désir ; c) ne s'intéresse pas à l'inconscient. "Je ne veux rien en savoir" est le nord de sa vie, guidé par la "passion de l'ignorance". Bien que le métier du psychanalyste soit guidé par l'amour, la connaissance et l'éthique du désir, le discours capitaliste constitue une menace omniprésente de cooptation et de destruction de son éthique et de son discours. Réglementer la pratique psychanalytique et standardiser sa formation à l'image d'une profession, c'est la voie de sa marchandisation (ou pire : de son ubérisation) et de l'élimination de la subversion qu'elle entretient comme un trou : la fissure qui indique que le capitalisme n'a pas de cœur.