Certitude, savoir et vérité dans la praxis de Freud et l’orientation vers le réel formalisée par Lacan

Résumé

Certaines homologies rapprochent Freud et Descartes, en ce qui concerne le doute comme voie de recherche du savoir : le doute méthodique cartésien et la méthode
de libre association et d’interprétation présupposent tous deux la destitution du moi comme source sûre et libre d’aliénation et erreurs. De là, tous deux tirent leur certitude : l’existence de la res cogitans, dans le cas de Descartes, et de l’inconscient, dans le cas de Freud. Tous deux opèrent des coupes dans les connaissances et créent des domaines jusqu’alors inexistants : la science moderne et la psychanalyse. Mais il y a aussi des dissymétries, montre Lacan dans le Séminaire 11. Si le réel chez Descartes est dans le passage du « je pense » au « j’existe », la recherche de la vérité le conduit à recourir à la res infinita : Dieu. Chez Freud, la certitude vient de la persistance du doute et non de son élimination. Il y a en lui un amour de la vérité et une passion pour le signifiant, qui le positionnent parfois en maître de la vérité de l’inconscient de ses analysants. Mais, n’évitant pas les déceptions liées aux erreurs, les aléas de sa pratique le confrontent toujours au réel : le manque auquel le sujet ne peut échapper. J’ai l’intention de réfléchir à la manière dont, en ne recherchant pas la garantie d’un Grand Autre et en ne faiblissant pas dans sa recherche, Freud a protégé l’impuissance de la vérité dans le domaine de la psychanalyse. À partir de là, Lacan définit le réel comme le noyau de certitude auquel se réfèrent toutes les fictions sans l’épuiser et formalise la disjonction entre savoir et vérité. C’est pourquoi, dans le discours de l’analyste, il maintient la place dominante comme l’apparence d’un objet cause du désir et alloue le savoir à la place de la vérité.